Guy Dumont nommera cette approche le massage rythmique et
la décrira ainsi dans son livre au titre éponyme, paru en 1988 : « La
principale particularité du Massage Rythmique repose sur le fait que tous les
mouvements que vous effectuerez, du début à la fin du massage, seront associés
à la musique que vous diffuserez en même temps. […] Il vous faudra un certain
temps pour apprendre à coordonner tous les mouvements au même rythme que la
musique. » Et de préciser : « Le plus
important n’est pas que vous soyez exactement en mesure, mais que vous respectiez
l’intensité de cette musique. […] En effet, si vous écoutez la musique en ne
considérant que son intensité, c’est exactement la même chose que lorsque vous
parlez. Vous percevrez très vite les temps forts, les respirations et
l’intonation, ainsi que toutes les formes d’arrêts ou de changements de vitesse »
[3]. De prime abord, il ne semble donc pas exister de ressemblance avec
le massage rythmique de l’art-thérapie anthroposophique qu’Ita Wegman a créé presque
soixante-dix ans plus tôt, puisque selon les écrits de sa collaboratrice Margarethe Hauschka, elle refusait de s’appuyer sur une musique
extérieure… Or c’est tout le contraire de la démarche de Guy Dumont, qui de plus
est d'une intention non thérapeutique !
Cependant, pour ce dernier, l’aperception du
rythme va bien au-delà puisqu'elle tient compte également de
« la nature et la fonction de tous nos organes ou toute composante de notre corps physique, chacun ayant un tempo et un rythme différent, et pourtant étant associés inlassablement en chaque instant de notre vie »
[4]. A l’instar de son cousin germain, le massage rythmique de
Guy Dumont prône l’écoute et le respect des rythmes intrinsèques de l’organisme
vivant qui se trouve sous les mains du masseur : « N’entre
pas dans le temple de l’autre avec tes propres règles » [2]. Lorsque cette interpénétration des rythmes (celui de la musique, celui du corps et celui des manœuvres) s'accorde harmonieusement, alors se révèlent « la magie et la
force de l’instant » [6]. De fait, quand le praticien se met ainsi au diapason du sujet massé, il s'assure de lui offrir l'expression d'un
« toucher juste » [4,14].
L’influence de Margaret Elke chez Guy Dumont semble incontestable,
et derrière elle tout l’héritage de la Sensory Awareness. Cette notion de
"toucher juste" est d’ailleurs largement partagée au sein de la
communauté des thérapeutes psychocorporels, des promoteurs de la relation
d’aide par le toucher (Jean-Louis Abrassart, Joël Savatofski, etc.) et
bien-sûr, des praticiens en Sensitive Gestalt Massage [13]. Mais
surtout, cette recherche émotionnelle pose les fondements, comme nous l’avons
vu précédemment, d’une conception artistique de l’exercice du massage.
Dans sa quête personnelle, plusieurs personnalités inspireront Guy Dumont : le fakir et
hypnotiseur Yvon Yva, le mime Marcel Marceau, le docteur Henri
Jarricot (dermalgies réflexes), etc.. Mais le véritable déclic adviendra
quand en 1991, la représentation d’Isabelle et Paul Duchesnay, remportant le
titre de champion du monde de patinage artistique, le bouleversera
[5].
Il y voit le beau et l'émotion qui, de la même façon, peuvent émaner de la pratique d'un massage ; il décide alors de faire de celle-ci un Art
.
« L’Art, c’est peut-être essayer de parvenir à cet instant inoubliable
où celui qui reçoit, comme celui qui pratique, se sent porté, transcendé »
[7]. Puisant dans son expérience du massage californien mais aussi des arts martiaux et de la danse, Guy
Dumont définit ainsi 250 mouvements différents, certains empruntés à Margaret Elke et d’autres totalement originaux, ayant tous la musique pour support [5] : « Après
ma formation, j’ai pratiqué assidûment et intensément jusqu’au moment où je me
suis senti limité. J’ai alors commencé à créer de nouveaux mouvements, mais
surtout, conscient que par le toucher j’avais accès à la vie, j’ai pu entrevoir
une autre forme de dialogue et d’aide. J’ai remplacé la parole qu’utilisait
Margaret par la musique, elle aussi riche et variée, et créé des
enchainements de plus en plus élaborés, tout en peaufinant les moindres détails
et en exerçant mes mains pour affiner ma qualité de toucher » [7].
Cette exigence de perfection dans la qualité du toucher ne le quittera d’ailleurs
jamais. Il en fera même son credo en imaginant le « DiGiQiDo »,
une méthode composée d’exercices de dextérité des doigts et des mains qui constitue désormais le
préalable de son initiation au massage artistique
[9]. Et il n'aura de cesse de
chercher, au cours de sa vie, à faire connaître cette pratique artistique
du massage auprès du grand public en multipliant les occasions de la lui partager : par l'édition en 2003 d'un DVD intitulé "Le Massage Rythmique du corps" [10], mais aussi par des
séminaires de formation, des
conférences et des spectacles
de massage artistique (le premier dès 1992) lors de congrès d’esthétique ou de
salons professionnels en France et à l’international [5]. Ces
démonstrations magistrales mettent en exergue ses talents de masseur, offrant à l’auditoire
une véritable performance artistique d’interprète, tel un
danseur évoluant sur la peau : « Un travail bien fait est beau à voir,
tant pendant l’exécution que dans le résultat, donc un bon massage doit être
aussi agréable à voir qu’à recevoir » [7]. Ce travail
d’interprétation sublime ce qui n’en reste pas moins la base de toute pratique,
à savoir le choix des techniques et la composition des mouvements, autrement
dit : la création en massage.