Comme bien souvent dans l’histoire moderne du massage en Occident, tout commence par le massage suédois. De la description de sa gestuelle par Per Henrik Ling en 1813, suivie de la spécification de ses techniques par Johan Georg Mezger quarante ans plus tard, jusqu’à son enrichissement par de nombreux médecins et sa diffusion à travers l’Europe puis aux Etats-Unis dès la fin du XIXème siècle [1,2], le massage suédois est devenu le socle technologique de presque tous les types de massage conçus en Occident durant le siècle suivant, exception faite évidemment des approches purement énergétiques (polarity, touch for health, etc.) [3].
A cette époque, l’assistante la plus fidèle d’Ita
Wegman se nomme Margarethe Hauschka (1896 – 1980). Cette doctoresse allemande
poursuit les travaux d’Ita Wegman après sa mort, et de retour dans son pays
natal, ouvre à Boll, en 1962, l’Ecole de Thérapie et de Massage Artistiques
[6]. Elle y dispensera une formation en droite ligne de
l’enseignement de son égérie, construite autour de cette intention artistique accompagnant
la pratique du massage et autres thérapies psycho-corporelles. « Car il
s’agit de réhabiliter une technique (le massage classique) pour en faire un Art,
ce qui ne signifie rien d’autre que comprendre le corps physique et les
conséquences de sa manipulation sur le corps éthérique et les structures
immatérielles supérieures de l’être » [4]. En témoigne également
son ouvrage, Le Massage rythmique selon Ita Wegman (1972), dans lequel Margarethe
Hauschka décrit les mouvements de base de la façon suivante : « ces
formes originelles peuvent être utilisées telles quelles, ou bien être
modifiées pour des traitements particuliers. Cela apporte à la méthode un
certain élément artistique puisqu’elle n’est comparable qu’aux phénomènes
musicaux des motifs et de leurs variations. Les formes fondamentales
correspondraient aux motifs, les traitements visés en particulier aux
variations. » Et d’ajouter plus loin : « il faudra
toujours veiller à ce que le déroulement d’une forme de base se fasse de
manière continue, de sorte que l’ensemble apparaisse telle une unité organique,
comme une composition musicale avec prélude et accord final. » Ce
rapport à la musique se retrouve particulièrement dans les manœuvres
d’effleurage que l’auteure conseille de débuter sur les bras « selon
un rythme ternaire ». Evoquant les différentes qualités de la
technique, Margarethe Hauschka nous révèle qu’elles « s’appréhendent plus
aisément à partir d’une approche artistique, ce qui donnera au mouvement
quelque chose de musical ou de coloré. » Et de préciser qu’à la suite
des aérages, « il faudra en quelque sorte, à partir du sens musical,
poser un accord final, qui pourra être un effleurage court ou toute forme
accentuée avec lenteur » [7]. Margarethe Hauschka nous
livre ainsi certainement la première conception artistique de la
pratique du massage dans le monde. Une conception artistique qui, à l’image
de l’eurythmie, place la musique au cœur des mouvements de massage. Mais dans ses
écrits, Hauschka tient à nous expliquer cette notion de musicalité : « Masser
rythmiquement ne signifie rien d’autre que pratiquer ses pétrissages et ses effleurages
selon un mouvement dont le tempo et la continuité s’inspirent de l’image de
l’homme, c’est-à-dire de manière musicale. La musique est le reflet terrestre
de forces organisatrices cosmiques. […] Si nous imprégnons nos mouvements de
musicalité, sans simplement additionner nos manipulations mais en en faisant
une composition globale, nous baignerons le traitement dans une atmosphère
propice à la vie. Mais toutes ces indications ne devront pas conduire à les
utiliser de manière désinvolte ; il s’agit plus de caractériser la manière
d’appréhender l’œuvre artistique divine, le corps physique humain, afin de le
comprendre bien mieux et plus profondément à partir du sens artistique, que de
procéder purement scientifiquement selon la mesure, le nombre et le poids. Il
serait tout à fait trivial et le signe d’une grossière méconnaissance de ce
dont il est question, que de s’appuyer sur une musique extérieure » [7]. Autrement dit, le massage rythmique et artistique d’Ita
Wegman et Margarethe Hauschka s’intéresse à la musique du corps et de l’âme,
celle que l’on ressent mais que l’on ne peut entendre.
Coll. – « Anthroposophie, biodynamie, médecine, éducation : une ambition ésotérique globale ? », AFIS Science (www.afis.org), 1er février 2020.
Coll. – « Massage Rythmique », Association Suisse de Massage Rythmique (www.vrms.ch), 2021.
KRIVINE J.P. – « La médecine anthroposophique », AFIS Science (www.afis.org), 6 février 2020.
Texte : © 2022 Florent DELES. Toute référence à cet article doit porter la mention :
"DELES Florent - « L'Histoire du massage artistique : les origines d'une pratique artistique du massage », Massage artistique & Massographie (www.massage.art), 2022".
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